« JE M'APPUIE SUR LA QUALITÉ DU MAÏS POUR SERRER LES BOULONS »
Avec un prix de base tombé à 280 €/1 000 l en janvier et février, Philippe Marie réduit par petites touches les trois concentrés distribués aux vaches et veut profiter à plein de la baisse des cours du tourteau de colza.
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LE GAEC DU VALLONAIS SURVEILLE DE PRÈS LES QUANTITÉS DE CONCENTRÉS distribuées aux vaches et le prix des aliments. Dans un contexte laitier tendu, la bonne qualité du maïs ensilé à l'automne et la baisse des cours du tourteau de colza sont une bouffée d'oxygène. Philippe Marie, en charge du troupeau laitier, surfe sur ces deux aspects. « Avec 36 % de matière sèche et 34 % d'amidon, le maïs-ensilage est ingestible cette année. Sa valeur énergétique élevée (0,92 UFL) permet d'être économe, notamment en concentré de production. »
« LE CONCENTRÉ DE PRODUCTION EST RÉDUIT DE 400 GRAMMES »
Philippe et son associé, Thomas Pelletier, ne regrettent pas le choix fait il y a plus de dix ans de la ration semi-complète. « En conjoncture tendue, nous pilotons plus facilement la réduction des concentrés. »
Habituellement, au Dac est apportée une VL 3 litres classique à partir de 30 kg de lait. Elle est distribuée à raison de 1 à 1,2 kg en moyenne par vache et par jour selon les mois, d'après Littoral normand conseil élevage. Depuis septembre, elle est remplacée par un aliment à base de gluten de blé aussi énergétique. Les associés abaissent le plafond de complémentation des multipares à 1,5 kg pour 40 kg de lait contre 2,5 kg l'hiver dernier. Cela se traduit par une distribution moyenne de 0,8 kg/VL/j. « Cet aliment est distribué en temps normal aux taurillons. Il a été testé cet été sur les vaches. Ne constatant pas d'effet sur la production, nous avons continué, d'autant plus qu'il a gagné en attractivité. De 230 € la tonne au printemps, il est tombé à 215 € en fin d'été et 202 € en novembre. Il est remonté à 230 € fin décembre. » Ce qui reste moins élevé que la VL 3 litres dont le prix s'étale de 265 € à 290 € en 2014-2015.Même stratégie pour le correcteur azoté au Dac. Le plafond est descendu à 2,5-2,8 kg par vache pour 40 kg contre 3,3-3,5 kg auparavant. « Là aussi, sa distribution est abaissée en moyenne de 200 à 300 grammes par vache depuis septembre. »
En revanche, le prix ne bouge pas. Depuis mai, les tarifs varient entre 355 et 395 €/t.
« LE STADE DE LACTATION PLUS AVANCÉ FACILITE NOTRE STRATÉGIE »
Bien sûr, le stade de lactation assez avancé et un peu plus élevé par rapport à la même période l'an passé facilite cette conduite. Au lancement de la ration hivernale, en octobre, le troupeau affiche un stade moyen de 6,3 mois. La saison hivernale 2014, elle, avait débuté à 4,9 mois. Philippe et Thomas étalent davantage les vêlages en avançant les premiers à juin pour éviter les volumes B. Leur laiterie, la coopérative Isigny Sainte-Mère, paye au prix B les volumes qui dépassent 8,33 % de la référence. Si le maïs-ensilage 2015 permet d'économiser du concentré au Dac, il n'empêche pas de faire l'impasse sur l'azote soluble pour un bon fonctionnement des bactéries du rumen. C'est fait via de l'urée et du tourteau de colza à hauteur de 2,1 à 2,7 kg par vache et par jour selon les mois depuis octobre... contre 2,6 à 2,9 kg l'hiver précédent. Certes, l'automne et le début d'hiver doux ont prolongé le pâturage jusqu'en décembre, permettant d'économiser un peu de tourteau de colza. « Cette économie résulte surtout de la volonté d'une conduite modérée, sans fragiliser les vaches », insiste Philippe. Dans ce but, il scrute le taux d'urée dans le lait.
« Les contrôles laitiers mensuels oscillent entre 144 et 215 mg par litre, preuve que l'azote est bien valorisé. La contrepartie est un niveau d'étable en retrait de 250 kg de lait brut par vache entre 2014 et 2015. »
« DU TOURTEAU DE COLZA À 210 €/T JUSQU'AU PRINTEMPS 2017 »
De février 2015 à janvier 2016, le Gaec du Vallonais enregistre un niveau d'étable de 8 746 kg de lait brut par vache, 38,6 de TP et 32,5 de TB. L'année précédente, il affichait 9 026 kg pour des taux inférieurs . « Cela ne pénalise pas les livraisons, reprend l'éleveur. Sous l'impulsion de la coopérative qui augmente notre référence de 20 % pour son développement en poudres infantiles, depuis deux ans, nous agrandissons tranquillement notre troupeau. Nous finissons cette campagne avec 20 000 litres de lait supplémentaires. »
L'utilisation du tourteau de colza n'est pas nouvelle dans cet élevage. Pas question de changer de stratégie. « Si nous nous efforçons de serrer les boulons en en distribuant moins, nous voulons profiter aussi des cotations basses. Nous les scrutons tous les jours. L'objectif est de couvrir nos besoins jusqu'au printemps 2017 à des prix d'achat ne dépassant pas les 210 € la tonne. » Pour accéder à ces niveaux, il commande désormais des camions de 29 tonnes, contre 3 à 6 tonnes mensuelles jusque-là. « D'avril 2014 à août 2015, le prix d'achat moyen s'établissait à 268 € la tonne. Il est tombé à 221 € depuis septembre grâce à une livraison à 210,50 € en septembre et une autre à 230 € en décembre. »
« LE COÛT ALIMENTAIRE DES VACHES DESCEND À 68 €/1 000 KG »
Les efforts cumulés sur le concentré de production et les deux correcteurs azotés se traduisent par une économie de 0,8 à 1,4 kg/vache selon les mois. Et depuis septembre, la baisse du prix moyen de la tonne des concentrés consommés va jusqu'à 43 €. « En 2015-2016, leur coût recule de 8 €/1 000 kg produits (ci-contre). C'est la principale explication à la baisse du coût alimentaire des vaches. Il s'élève à 68,70 €/1 000 kg, contre 79,80 € l'an passé. » Selon lui, il n'aurait pas pu atteindre ce résultat s'il n'avait pas aussi confronté régulièrement les quantités consommées au Dac à ce qu'il avait programmé. Il avoue malgré tout sa déception. Il attendait une diminution plus importante. « Le Gaec a déjà un coût alimentaire "vaches" faible, relativise Pascal Lecoq, de Littoral normand conseil élevage. Son groupe de référence affiche 95 € dont 65 € de concentrés. » Peut-il serrer davantage les boulons ? « Peut-être en supprimant le concentré de production pour les vaches gestantes pour le remplacer par 1 kg de MS de maïs-ensilage, très ingestible cette année », répond le conseiller. Philippe, lui, espère gagner en efficacité alimentaire grâce à la nouvelle mélangeuse à vis horizontale et sabots. « Elle destructure moins les brins de paille. Il y a moins de refus à l'auge. » Il veut également baisser le coût des minéraux (5 €/1 000 kg) en négociant davantage les tarifs. « Au pâturage, je vais mieux surveiller la pousse de l'herbe pour optimiser les changements de parcelles. Néanmoins, l'impact économique sera limité. Les vaches n'ont accès qu'à 15 ha, des prairies naturelles de marais. »
CLAIRE HUE
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